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SIGOV Oleksiy
Ethique du témoignage : Approche herméneutique
Publié le 7 février 2020 – Mis à jour le 21 juillet 2020
Thèse en cotutelle en Philosophie, soutenue le 25 avril 2019.
Cette thèse tente de décrire les éléments clés du phénomène du témoignage, les éléments qui en font une partie inhérente de la culture occidentale contemporaine. Elle tente également de déterminer dans quelle mesure l'attention portée à ces éléments peut contribuer à la formation d’une nouvelle éthique de la mémoire dans une société post-soviétique, en Ukraine en particulier.
La recherche est centrée sur la triade témoin (l’agent) – récit (l’objet) – auditeur (le destinataire). L’interconnexion de ces trois phénomènes clés du témoignage révèle une différence structural selon le type de discours: historique, juridique, littéraire, religieux, philosophique ou médiatique. Il y a néanmoins une caractéristique fondamentale qui est présente dans tous ces discours mentionnés: il s’agit de l’événementialité du témoignage, de ce qui ne permet pas de le réduire à un fait.
En commençant par la reconnaissance de sa nature événementielle, on essaye de montrer comment une analyse herméneutique du phénomène du témoignage aide à créer des «lunettes» qui pourraient sensibiliser un citoyen européen (notamment un ukrainien) contemporain à reconnaitre l’importance de l’histoire orale (oral history) dans sa vie quotidienne, ainsi que dans sa perception des événements du passé (en particulier des catastrophes du XXe siècle qui on eu lieu en Ukraine). En d'autres termes, on cherche à décrire comment une rencontre avec le témoin permet de redécouvrir la question de l’identité.
Dans notre analyse, on établi une distinction entre le témoignage sur un événement et le témoignage en tant qu'événement. On définit des critères de présence et d’influence du témoignage dans la culture et on traite la question de l’objectivité du témoignage. Ainsi on distingue trois domaines de recherche. Le premier domaine peut être qualifié en tant généalogique: il s’agit d’une analyse de l’évolution de l’idée du témoignage dans la culture occidentale. Le deuxième domaine est de l’ordre phénoménologique: c’est une analyse de la théorie du sujet par le biais de l’attestation (la notion d’attestation permet d’articuler le lien entre la dimension transcendantale du témoignage et sa dimension empirique). Le troisième domaine est pratique: il s’agit de considérer le témoignage en tant qu’un événement qui a un grand potentiel éthique (le témoignage étant un facteur clé pour la recherche d’une compréhension mutuelle).
Une attention portée à la dimension événementielle du témoignage permet de tracer une réponse constructive au défi de sa délégitimation au sein d’une culture dominée par le soupçon. Alors que sur le plan informatif on observe une transformation des conditions qui définissent l’existence d’un témoignage, sur le plan événementiel le témoignage montre sa capacité à diagnostiquer et à articuler les importantes tendances de la vie de la société contemporaine (attention croissante à la microhistoire, repenser le rôle des pratiques commémoratives, recherche de moyens pour une compréhension mutuelle et une réconciliation, réflexion sur la situation post-soviétique etc).
Prêter attention à l’événementialité signifie repenser les critères de crédibilité. La véracité et la plausibilité jouent toujours un rôle décisif, mais ce qui change c’est le mode de leur présence. Ce changement est lié au refus de faire appel au niveau normatif en tant que condition préalable de la rationalisation. L’éthique entre dans la zone obscure où s’effectue le passage de l’expérience au récit (la capacité de raconter une histoire devient le critère principal pour percevoir le fil de la vie et pour s’aspirer à la recherche d’une compréhension mutuelle). Dans le cadre de cette éthique, une rencontre avec l’Autre devient possible (lorsque l’expérience de donner et de recevoir un témoignage acquiert un caractère ontologique). Chercher la vérité dans ce cas ne signifie pas seulement affirmer la vérité sur un certain fait, mais aussi s’impliquer dans la création d’une mémoire partagée et d’une attestation mutuelle. L’enquête s’inspire de sources théoriques de l’analyse du témoignage ainsi que de textes testimonials.
La recherche est centrée sur la triade témoin (l’agent) – récit (l’objet) – auditeur (le destinataire). L’interconnexion de ces trois phénomènes clés du témoignage révèle une différence structural selon le type de discours: historique, juridique, littéraire, religieux, philosophique ou médiatique. Il y a néanmoins une caractéristique fondamentale qui est présente dans tous ces discours mentionnés: il s’agit de l’événementialité du témoignage, de ce qui ne permet pas de le réduire à un fait.
En commençant par la reconnaissance de sa nature événementielle, on essaye de montrer comment une analyse herméneutique du phénomène du témoignage aide à créer des «lunettes» qui pourraient sensibiliser un citoyen européen (notamment un ukrainien) contemporain à reconnaitre l’importance de l’histoire orale (oral history) dans sa vie quotidienne, ainsi que dans sa perception des événements du passé (en particulier des catastrophes du XXe siècle qui on eu lieu en Ukraine). En d'autres termes, on cherche à décrire comment une rencontre avec le témoin permet de redécouvrir la question de l’identité.
Dans notre analyse, on établi une distinction entre le témoignage sur un événement et le témoignage en tant qu'événement. On définit des critères de présence et d’influence du témoignage dans la culture et on traite la question de l’objectivité du témoignage. Ainsi on distingue trois domaines de recherche. Le premier domaine peut être qualifié en tant généalogique: il s’agit d’une analyse de l’évolution de l’idée du témoignage dans la culture occidentale. Le deuxième domaine est de l’ordre phénoménologique: c’est une analyse de la théorie du sujet par le biais de l’attestation (la notion d’attestation permet d’articuler le lien entre la dimension transcendantale du témoignage et sa dimension empirique). Le troisième domaine est pratique: il s’agit de considérer le témoignage en tant qu’un événement qui a un grand potentiel éthique (le témoignage étant un facteur clé pour la recherche d’une compréhension mutuelle).
Une attention portée à la dimension événementielle du témoignage permet de tracer une réponse constructive au défi de sa délégitimation au sein d’une culture dominée par le soupçon. Alors que sur le plan informatif on observe une transformation des conditions qui définissent l’existence d’un témoignage, sur le plan événementiel le témoignage montre sa capacité à diagnostiquer et à articuler les importantes tendances de la vie de la société contemporaine (attention croissante à la microhistoire, repenser le rôle des pratiques commémoratives, recherche de moyens pour une compréhension mutuelle et une réconciliation, réflexion sur la situation post-soviétique etc).
Prêter attention à l’événementialité signifie repenser les critères de crédibilité. La véracité et la plausibilité jouent toujours un rôle décisif, mais ce qui change c’est le mode de leur présence. Ce changement est lié au refus de faire appel au niveau normatif en tant que condition préalable de la rationalisation. L’éthique entre dans la zone obscure où s’effectue le passage de l’expérience au récit (la capacité de raconter une histoire devient le critère principal pour percevoir le fil de la vie et pour s’aspirer à la recherche d’une compréhension mutuelle). Dans le cadre de cette éthique, une rencontre avec l’Autre devient possible (lorsque l’expérience de donner et de recevoir un témoignage acquiert un caractère ontologique). Chercher la vérité dans ce cas ne signifie pas seulement affirmer la vérité sur un certain fait, mais aussi s’impliquer dans la création d’une mémoire partagée et d’une attestation mutuelle. L’enquête s’inspire de sources théoriques de l’analyse du témoignage ainsi que de textes testimonials.
This thesis is an attempt to outline key elements of the phenomenon of testimony, i.e. the elements that make testimony an inherent part of the contemporary Western culture. It also attempts to consider how attention to those elements may contribute to the forming of the new ethics of memory in the post-Soviet society, and in Ukraine in particular.
In the center of this research is the triad of a witness (the agent of witnessing) – a narrative (the object of witnessing) – and a listener (the recipient). The interconnection between those three key phenomena of testimony reveals its relevance differently depending on the type of the discourse: historic, juridical, literary, religious, philosophic, or media. At the same time, there is one fundamental quality that reveals itself in any of the above mentioned discourses: it is the eventuality of witnessing, i.e. something that does not allow one to reduce it to mere facts.
Departing from the recognition of its eventual nature, we strive to define in what way the hermeneutical analysis of the phenomenon of witnessing helps to construct “glasses” that could make a contemporary citizen of Ukraine sensitive to the presence of oral history in his/her everyday life, as well as in his/her perception of events of the past (in particular, of the catastrophic events of the 20th century). In other words, we aim to find out how an encounter with witnessing allows to raise anew the question of his/her own identity.
In the analysis of witnessing we suggest making a distinction between witnessing about an event and witnessing as an event. We investigate how one can define criteria for the presence and the influence of witnessing in culture, and how one can speak about the objectivity of witnessing. According to those questions, we single out three fields of research. The first field can be designated as a genealogical one – it is the analysis of the evolution of the idea of witnessing in Western culture. The second field is phenomenological – it is the analysis of the theory of the subject through the notion of attestation (the notion of attestation allows one to articulate the connection of the transcendental dimension of witnessing with the empirical dimension). The third field is practical – it is the consideration of witnessing as an event which has a big ethical potential (witnessing as a key factor for the search of mutual understanding).
Such an attention to the eventual dimension of witnessing lets one outline a constructive response to the challenge of its delegitimizing in the situation when culture of suspicion dominates. While on the informative level we observe transformation of conditions defining the existence of a testimony, on the eventual level witnessing demonstrates its ability to diagnose and articulate important trends of life of the contemporary society (growing attention to microhistory, rethinking of the role of commemorational practices, a search for ways of mutual understanding and reconciliation, the comprehension of the post-Soviet situation).
Attention to eventuality means rethinking the criteria of credibility. Truthfullness and plausibility still have a decisive meaning, but the mode of their presence changes. This is connected to the refusal to appeal to the normative level as a precondition for rationalization. Ethics enters a dark zone, in which the transition from experience to narrative takes place (the ability to tell a story becomes the chief criterion for the continuation of life and aspiration towards mutual understanding). In the framework of this ethics an encounter with the Other becomes possible (when the experience of giving and accepting a testimony acquires an ontological character). Truthfulness in this case not only means affirming truth about a certain fact, but also involving into the creation of shared memory. The sources for such an investigation are both theoretical literature on testimony and testimonies themselves.
Mots-clés : témoignage, martyre, attestation, événementialité, affirmation originaire, identité narrative, oral history, éthique de la mémoire, commemoration, véracité, plausibilité, Ricoeur, Lévinas, Derrida.
Keywords : testimony, witness, martyrdom, attestation, eventuality, primary affirmation, narrative identity, oral history, ethics of memory, commemoration, plausibility, truthfulness, Ricoeur, Levinas, Derrida.
Directeur(trice) de thèse : Françoise LESOURD et Victor MALAKHOV
Membres du jury :
Mme Françoise LESOURD, Directrice de thèse, Professeure des universités émérite, Université Jean Moulin Lyon 3,
M. Victor MALAKHOV, Co-directeur de thèse, Professor, Institut de Philosophie Hryhorï Skovoroda, Kiev Ukraine,
M. Philippe DE LARA, Maitre de conférences habilité à diriger des recherches, Panthéon-Assas Paris II,
M. Oleksandr FILONENKO, Professor, Université Karazin de Kharkiv, Ukraine,
M. Jean Philippe PIERRON, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
M. Yevheb BYSTRYCKY, Professeur, Directeur de recherche Institut de Philosophie H. Skovoroda Université de Kiev, Ukraine,
M. Oleh BYLYI, Dotsent (MCF), Université de Kiev, Ukraine.
Président(e) du jury : Yevheb BYSTRYCKY
In the center of this research is the triad of a witness (the agent of witnessing) – a narrative (the object of witnessing) – and a listener (the recipient). The interconnection between those three key phenomena of testimony reveals its relevance differently depending on the type of the discourse: historic, juridical, literary, religious, philosophic, or media. At the same time, there is one fundamental quality that reveals itself in any of the above mentioned discourses: it is the eventuality of witnessing, i.e. something that does not allow one to reduce it to mere facts.
Departing from the recognition of its eventual nature, we strive to define in what way the hermeneutical analysis of the phenomenon of witnessing helps to construct “glasses” that could make a contemporary citizen of Ukraine sensitive to the presence of oral history in his/her everyday life, as well as in his/her perception of events of the past (in particular, of the catastrophic events of the 20th century). In other words, we aim to find out how an encounter with witnessing allows to raise anew the question of his/her own identity.
In the analysis of witnessing we suggest making a distinction between witnessing about an event and witnessing as an event. We investigate how one can define criteria for the presence and the influence of witnessing in culture, and how one can speak about the objectivity of witnessing. According to those questions, we single out three fields of research. The first field can be designated as a genealogical one – it is the analysis of the evolution of the idea of witnessing in Western culture. The second field is phenomenological – it is the analysis of the theory of the subject through the notion of attestation (the notion of attestation allows one to articulate the connection of the transcendental dimension of witnessing with the empirical dimension). The third field is practical – it is the consideration of witnessing as an event which has a big ethical potential (witnessing as a key factor for the search of mutual understanding).
Such an attention to the eventual dimension of witnessing lets one outline a constructive response to the challenge of its delegitimizing in the situation when culture of suspicion dominates. While on the informative level we observe transformation of conditions defining the existence of a testimony, on the eventual level witnessing demonstrates its ability to diagnose and articulate important trends of life of the contemporary society (growing attention to microhistory, rethinking of the role of commemorational practices, a search for ways of mutual understanding and reconciliation, the comprehension of the post-Soviet situation).
Attention to eventuality means rethinking the criteria of credibility. Truthfullness and plausibility still have a decisive meaning, but the mode of their presence changes. This is connected to the refusal to appeal to the normative level as a precondition for rationalization. Ethics enters a dark zone, in which the transition from experience to narrative takes place (the ability to tell a story becomes the chief criterion for the continuation of life and aspiration towards mutual understanding). In the framework of this ethics an encounter with the Other becomes possible (when the experience of giving and accepting a testimony acquires an ontological character). Truthfulness in this case not only means affirming truth about a certain fact, but also involving into the creation of shared memory. The sources for such an investigation are both theoretical literature on testimony and testimonies themselves.
Mots-clés : témoignage, martyre, attestation, événementialité, affirmation originaire, identité narrative, oral history, éthique de la mémoire, commemoration, véracité, plausibilité, Ricoeur, Lévinas, Derrida.
Keywords : testimony, witness, martyrdom, attestation, eventuality, primary affirmation, narrative identity, oral history, ethics of memory, commemoration, plausibility, truthfulness, Ricoeur, Levinas, Derrida.
Directeur(trice) de thèse : Françoise LESOURD et Victor MALAKHOV
Membres du jury :
Mme Françoise LESOURD, Directrice de thèse, Professeure des universités émérite, Université Jean Moulin Lyon 3,
M. Victor MALAKHOV, Co-directeur de thèse, Professor, Institut de Philosophie Hryhorï Skovoroda, Kiev Ukraine,
M. Philippe DE LARA, Maitre de conférences habilité à diriger des recherches, Panthéon-Assas Paris II,
M. Oleksandr FILONENKO, Professor, Université Karazin de Kharkiv, Ukraine,
M. Jean Philippe PIERRON, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
M. Yevheb BYSTRYCKY, Professeur, Directeur de recherche Institut de Philosophie H. Skovoroda Université de Kiev, Ukraine,
M. Oleh BYLYI, Dotsent (MCF), Université de Kiev, Ukraine.
Président(e) du jury : Yevheb BYSTRYCKY
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Mise à jour : 21 juillet 2020