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Séminaire Jeunes Chercheurs de Philosophie Argumentative | Philosophie morale et politique

Publié le 6 décembre 2023 Mis à jour le 6 décembre 2023

Interventions de Maxime KRISTANEK (Aix-Marseille Université) et de Ilias VOIRON (Université Jean-Moulin Lyon 3/Université de Fribourg) dans le cadre du séminaire Jeunes Chercheurs de Philosophie Argumentative. Rendez-vous mardi 12 décembre à 17h.

Séance 3 : Philosophie morale et politique

 
Maxime Kristanek (Aix-Marseille Université) : "Proposition d’une nouvelle taxonomie métaéthique"

Les débats métaéthiques sont nombreux, et portent sur de multiples questions : nos jugements moraux sont-ils aptes à la vérité ? Si oui, prétendent-ils décrire des faits ? Si oui, ces faits sont-ils objectifs ou subjectifs ? Ces faits impliquent-ils des raisons d’agir ? Si oui, sont-elles catégoriques ? Certains de nos jugements qui prétendent décrire ces faits impliquant des raisons d’agir catégoriques sont-ils vrais ?

De nombreuses taxonomies ont été élaborées par les métaéthiciens (Sayre-McCord, 1988 ; Brink, 1989 : 17-23 ; Darwall, Gibbard & Railton, 1992 ; Smith, 1994 ; Korsgaard, 1996 : 18-20 ; Ogien, 1999 : 23-25 ; Huemer, 2005 : 4-8 ; Kirchin, 2012 : 5-12 ; Parfit, 2011 ; Miller, 2013 : 25-32 ; Jaquet & Naar, 2018 : 20-24). Une taxonomie est une présentation ordonnée, qui diffère du simple catalogue, de l’ensemble des théories métaéthiques. Je soutiens que la plupart des taxonomies proposées souffre de certains défauts qui militent pour leur mise de côté. Je propose une nouvelle taxonomie qui subsume toutes les questions métaéthiques mentionnées au début, et qui s’articulent autour d’une question à la fois ontologique et pratique : avons-nous des raisons morales d’agir ?

Cette taxonomie métaéthique propose de mettre en avant le concept de raison morale. L’un des principaux débats métaéthiques tourne autour de la question suivante : les raisons morales sont-elles hypothétiques ou catégoriques ? Sont-elles connectées à nos désirs, effectifs ou contrefactuels, ou sont-elles indépendantes de ces derniers ? Les naturalistes (Finlay, 2008) défendent la première réponse, et les non-naturalistes (Enoch, 2011 : 93) la seconde. J’adopte la conception non-naturaliste et montre qu’elle ne suffit pas à caractériser les raisons morales. Ces dernières sont catégoriques, mais également prépondérantes (overriding), c’est-à-dire qu’elles priment sur nos désirs en cas d’éventuel conflit (Moberger, 2018). Leur primauté n’est pas d’ordre psychologique : à de nombreuses reprises, nous donnons plus de poids à la réalisation de nos désirs qu’à nos raisons morales. Cependant, les raisons morales possèdent une force normative supérieure à celles des raisons produites par nos désirs. Même si nos raisons morales sont souvent mises en échec par certains de nos désirs, elles devraient toujours l’emporter. Les raisons morales ont toujours raison sur les raisons non-morales d’agir. La conséquence est que nous devons parfois sacrifier la réalisation de certains de nos désirs. Par exemple, si nous désirons poursuivre un mode de vie qui se révèle incompatible avec la préservation des ressources naturelles de la planète et par là celle des conditions de vie des générations futures, alors nous avons une raison morale d’abandonner ce mode de vie, même si nous désirons continuer à faire les soldes, manger des steaks à foison ou prendre l’avion pour des séjours touristiques. Cette raison morale doit l’emporter sur nos désirs consuméristes. Ainsi, même si à de nombreuses occasions nos raisons morales sont alignées avec nos raisons motivantes et nos désirs, parfois, ce n’est pas le cas, et nous avons alors le devoir, l’obligation morale, de renoncer à satisfaire certains de nos désirs.

Les théories métaéthiques qui "prennent au sérieux la morale" tentent de rendre compte de l’existence de ces raisons catégoriques et prépondérantes d’agir que les non-naturalistes nomment "raisons morales". Toute théorie métaéthique qui considère que les raisons morales ne sont pas prépondérantes par rapport à nos désirs ne prend pas la morale au sérieux. Je pense que les théories métaéthiques doivent être partagées en fonction de ce critère. Le non-cognitivisme, le subjectivisme et le naturalisme sont des théories métaéthiques qui ne prennent pas au sérieux la morale. Les non-naturalismes et la théorie de l’erreur prennent la morale au sérieux. Je compare ensuite ma taxonomie avec les taxonomies concurrentes, afin de souligner ses qualités.

Ilias Voiron (Université Jean-Moulin Lyon 3/Université de Fribourg) : "Institutions, individus et justice"

On admet couramment l’existence d’un certain nombre de devoirs moraux qui incombent aux individus, comme le devoir de ne pas nuire à autrui ou de lui être bienfaisant. Dans cette communication, j’interroge l’existence de devoirs de justice incombant aux individus. Les individus ont-ils des devoirs de justice ? Si oui, lesquels ?

Je soutiens que les individus ont des devoirs de justice, que j’appelle "devoirs individuels de justice", et qu’ils sont de trois ordres : devoirs de respect et de soutien d’institutions et de politiques publiques justes ; devoirs de promotion d’institutions et de politiques publiques justes ; devoirs de réalisation de la justice. Cette troisième catégorie étant la plus controversée, c’est à son analyse que je m’attache tout particulièrement.

J’expose tout d’abord l’idéal de division morale du travail entre institutions sociales et politiques d’une part, et comportements individuels d’autre part, qui caractérise tout particulièrement les approches dites institutionnalistes. La justice y est considérée comme un principe moral qui s’applique essentiellement aux institutions, et pas aux comportements individuels. Les individus ont tout de même des devoirs de justice, qui se limitent toutefois au respect, au soutien et à la promotion d’institutions justes. Dans la perspective que je propose ici, ces derniers n’épuisent cependant pas les devoirs individuels de justice.

J’avance en effet ensuite que, dans certaines circonstances, les individus ont le devoir de "réaliser" la justice, ou, dit plus modestement, de rendre le monde plus juste ou moins injuste, sans passer par la médiation des institutions. Cela donne lieu à une troisième catégorie de devoirs individuels de justice, que j’appelle devoirs de réalisation de la justice. Je la défends notamment sur la base d’une conception non associative de la justice et d’une remise en question de l’opposition stricte entre approches institutionnaliste et individualiste.

En troisième lieu, j’expose le problème de l’identification des conditions d’application des différents devoirs individuels de justice, lesquels peuvent être tantôt complémentaires, tantôt concurrents. J’explore une façon de résoudre ce problème, qui dépend de la modalité de la justice qui s’applique : préventive, corrective, distributive ou procédurale.

Enfin, j’esquisse plusieurs objections à la catégorie des devoirs individuels de réalisation de la justice – celles de l’impuissance causale, de la surexigence morale, de l’illégitimité, et des conflits moraux –, et plusieurs réponses à ces objections.


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