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Séminaire Jeunes Chercheurs de Philosophie Argumentative | Métaéthique

Publié le 8 novembre 2024 Mis à jour le 8 novembre 2024

Intervention de Maxime KRISTANEK (Aix-Marseille Université) dans le cadre du séminaire Jeunes Chercheurs de Philosophie Argumentative. Rendez-vous jeudi 14 novembre 2024 à 17h.

Séance 2 : Métaéthique

Maxime Kristanek (Aix-Marseille Université) :

"L’argument de l’inexplicabilité des faits moraux"


La théorie de l’erreur morale (TEM) est la thèse métaéthique selon laquelle nos jugements moraux, qui portent sur des faits déontiques, sont faux (Naar & Jaquet, 2018). Le non-naturalisme moral est la thèse selon laquelle certains de nos jugements moraux sont vrais. Les arguments de l’étrangeté ont été élaborés pour réfuter le non-naturalisme moral (Mackie, 1977). Le motif commun des arguments de l’étrangeté est une demande d’explication (Kristanek, 2023 : 481). En effet, les arguments de l’étrangeté de Mackie consistent à reprocher aux non-naturalistes de ne pas fournir d’explication métaphysique quant i) au pouvoir motivationnel des faits moraux, ii) à la manière dont ils surviennent sur les faits naturels, iii) à la manière dont nous pouvons les connaître, et iii) à leur caractère sui generis. Comme cela a été souligné par Olson (2014), ces quatre arguments souffrent de défauts importants. Je propose un argument centré non pas sur l’inexplicabilité de telle ou telle caractéristique des faits moraux (ce que font les arguments traditionnels), mais sur l’existence des faits moraux elle-même. Cette exigence d’explication paraît légitime : « Le fait que tant de naturalistes, y compris des philosophes comme Mackie et Nietzsche, trouvent que l'idée de faits moraux non-naturels étranges ou bizarres, montre qu'ils sont en effet le genre de chose pour lesquelles on aimerait avoir une explication » (Evans, 2013 :152).

Je présente les deux prémisses, conceptuelle et ontologique, de l’argument de l’inexplicabilité. La prémisse conceptuelle est que les jugements moraux décrivent des faits, qui impliquent des raisons d’agir catégoriques, c’est-à-dire indépendantes de nos désirs, et prépondérantes, c’est-à-dire qui doivent l’emporter sur eux (Huemer, 2005). La prémisse ontologique est la thèse selon laquelle de tels faits n’existent pas. Les non-naturalistes et les théoriciens de l’erreur s’accordent sur la prémisse conceptuelle, mais s’opposent sur la prémisse ontologique. Je montre qu’une des raisons de souscrire à la prémisse ontologique est le Principe de Raison suffisante (PRS), selon lequel tout fait existant doit avoir une raison suffisante, c’est-à-dire une explication. Je montre que les faits moraux tels que les conçoivent les non-naturalistes, ne possèdent pas d’explication. Ils sont décrits comme « bruts » (Van Cleve, 2018). Je réponds ensuite à deux objections. La première regroupe l’objection contre le PRS, et la stratégie de compagnon d’infortune, qui vise à montrer que les faits moraux sont analogues aux faits bruts que nous acceptons dans notre ontologie. J’accepte la première objection et présente une version modifiée de l’argument de l’inexplicabilité, qui ne présuppose pas le PRS. Je réponds à la seconde objection en montrant que les faits moraux ne peuvent être considérés comme des faits bruts, parce que, contrairement aux faits bruts que nous reconnaissons dans notre ontologie, ils ne possèdent pas de pouvoir explicatif tout en étant non-naturels (Kristanek, 2023 : 531-44). Si les faits moraux ne peuvent être considérés comme bruts, alors la demande d’explication est justifiée. Si cette demande n’est pas satisfaite, alors nous disposons d’une bonne raison de les rejeter de notre ontologie.

Bibliographie :
  • Evans, S. (2013), God and Moral Obligation, Oxford University Press.
  • Huemer, M. (2005), Ethical Intuitionnism, Palgrave Macmillan.
  • Jaquet, F., Naar, H. (2018), Qui peut sauver la morale ? Essai de métaéthique, Paris, Ithaque.
  • Kristanek, M. (2023), La Défaite de la Morale. Thèse de doctorat, Aix-Marseille Université.
  • Mackie, J.L (1977), Ethics: Inventing Right and Wrong, New York, Penguin.
  • Olson, J. (2014), Moral Error Theory : History, Critique, Defence, Oxford University Press.
  • Van Cleve, J. (2018), « Brute necessity », Philosophy Compass 13 (9) : e12516.

 
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