Présentation du colloque

Aujourd'hui, il n’est pas rare de voir des philosophes (étudiants et universitaires) dans les institutions de soin : que font-ils là et pourquoi les y accueille-t-on ? Qu’ils viennent de leur propre initiative ou à la demande des soignants, il n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre les objectifs de leur recherche et les problématiques des milieux du soin. D’une part, on attend avec impatience les résultats d’une étude qui est souvent longue à paraître, et qui, une fois parue, ne coïncide pas forcément avec les besoins exprimés par les équipes : comment les philosophes peuvent-ils proposer une restitution satisfaisante ? D’autre part, on peut profiter de la présence du philosophe sur place pour prendre le temps de la réflexion, dans la mesure où sa présence suscite des questionnements en décalage avec les attentes du service, ouvre un temps et un espace qui changent de la pratique quotidienne : à quoi tient ce pas de côté typiquement philosophique ?

La thématique que nous avons retenue est donc la suivante : "Un philosophe qui mène sa recherche sur un terrain en santé doit-il aider les acteurs du soin à améliorer leur pratique ?" Nous avons volontairement formulé une question polémique, afin de susciter le débat :

• Dans quelle mesure une réflexion philosophique a-t-elle sa place dans la relation de soin ?
• Comment le philosophe de terrain peut-il intégrer une équipe sans gêner le bon fonctionnement d’un service ?
• Comment les médecins, soignants, intervenants, coordinateurs, etc., peuvent-ils tirer profit de sa présence parmi eux sans lui assigner un rôle ni instrumentaliser sa recherche ?

Pour y réfléchir, nous avons envisagé un format en duos, c’est-à-dire des communications qui associent à chaque fois un chercheur et un acteur de terrain qui ont travaillé ensemble.
Certains participants ont également la double casquette philosophe / soignant. On souhaite accorder une place importante à la discussion avec le public.
La journée se terminera par des ateliers participatifs qui vous seront proposés par les organisatrices : lequel choisirez-vous ?
 

Programme du colloque

• 9h30-10h : Introduction par l’équipe de PhilosoField et de la Commission Innovation et Recherche.
   
• 10h-11h : Julie HENRY (maîtresse de conférences, ENS de Lyon) et Raphaël MINJARD (psychologue clinicien, psychanalyste et maître de conférences à l’Université Lumière Lyon 2) : L'"appel" de l’hôpital à la philosophie. L’accompagnement des équipes de soins, à l’interface entre éthique et psychologie
  
  Résumé : L'"appel de l’hôpital à la philosophie" peut cacher différentes attentes et on peut parfois se demander s’il ne se fait pas sur un malentendu : ne serait-ce pas un appel à l’éthique et quelles pensées recouvre alors ce mot ? Est-ce un besoin de remettre du sens face à des pratiques qui nous questionnent ? La question se pose aussi du rôle que joue alors le philosophe : ne se prend-il pas pour un psychologue ? N’a-t-il pas tendance à se rendre indispensable ou à rechercher une certaine hégémonie de la pensée ? L’articulation avec la psychologie, qui partage un ancrage commun avec la philosophie tout en s’inscrivant dans des pratiques différentes, pourrait être un bon moyen de ne pas réduire l’éthique à sa dimension réglementaire et juridique et d’ouvrir ou d’investir autrement des espaces de discussion dans lesquels débattre de l’hôpital et de ses fonctions aujourd’hui. C’est ainsi la triangulation éthique, philosophie et psychologie que nous interrogerons dans cette intervention, ainsi que son ancrage et son rôle sur le terrain des soins, avec et aux côtés des soignants.
   
• 11h-12h : Elodie CAMIER-LEMOINE (philosophe, Espace de Réflexion Ethique Auvergne Rhône-Alpes) et Julien VERNAUDON (gériatre, HCL) : La philosophie face à l'avancée de l’âge. Enjeux d'une rencontre philosophe-soignant en gériatrie
  
  Résumé : Au cœur des questions éthiques, la médecine et la philosophie trouvent un riche point de rencontre. Confronté de façon récurrente à des situations qui interrogent sur la meilleure décision à prendre pour un patient, le médecin gériatre fait l’expérience du doute quand il est question de situer l’autonomie de la personne vieillissante, d’agir et soigner selon son meilleur intérêt et d’accompagner en respectant son identité et sa dignité. Dès lors, comment situer l’apport du philosophe, accoutumé à la mise en perspective réflexive de ces sujets, notamment dans une dimension d’éthique du soin ? Il sera question de partager l’expérience de cette rencontre au sein de l’hôpital des Charpennes, en en présentant les modalités, les succès et les points d’amélioration, ainsi que de discuter des évolutions possibles de la place du philosophe à l’hôpital, possiblement à penser dans un engagement dans le quotidien du soin.
   
• 12h-14h : Déjeuner
   
• 14h-15h : Jean-Philippe PIERRON (professeur, Université de Bourgogne) et Halima ZEROUG-VIAL (psychiatre et vice-présidente de la CME du centre hospitalier du Vinatier, directrice ORSPERE-SAMDARRA) : Prendre soin des institutions de soin : dialogue entre psychiatrie et philosophie
  
  Résumé : Dans le cadre de l'hôpital du Vinatier, où les relations entre psychiatrie et philosophie ont une longue histoire, l'actuelle réforme des institutions mentales a ouvert une nouveau chapitre. Le soin des institutions de soin y est au cœur des enjeux. Il s'agit, avec le tournant du new public management et de la réflexion sur la tarification de l'activité du soin, de questionner ce qui se compte dans le soin, de se demander qui définit ce qui compte. L'intervention se propose de revenir sur la façon dont psychiatre et philosophe se sont, dans ce cadre, interpellés et soutenus pour clarifier les enjeux, définir des points d'attention et peut-être des méthodes, afin de retrouver un sens collectif et un engagement.
   
• 15h-16h : Catherine DEKEUWER-CARRIER (maîtresse de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3) et Damien Sanlaville (généticien, HCL) : Enjeux actuels de la génétique médicale : du respect de la loi à la prise en compte de la demande individuelle
  
  Résumé : La génétique médicale est une des seules disciplines dont la pratique est régulée par la loi, en particulier la loi de bioéthique dont une révision a été votée le 3 août 2021. En effet, la génétique a plusieurs particularités :
  - Les analyses de caractéristiques constitutionnelles du génome n’appartiennent pas uniquement à la personne puisqu’elle a hérité ses caractéristiques génétiques de ses parents et qu’elle en transmettra une partie à ses enfants. Les résultats donnés impactent donc potentiellement la famille, ce qui a présidé à la rédaction de l’arrêté sur l’information à la parentèle.
  - Les possibilités techniques d’analyse de notre génome ne cessent de progresser, ce qui permet des analyses dites pangénomiques (analyse de tout le génome). Ce type d’analyse permet de diminuer l’errance diagnostique, mais peut révéler des variations génétiques sans lien avec l’indication, qui peuvent avoir des conséquences pour le patient ou sa famille. Cela pose les questions d’éthique relatives à la non-malveillance et au respect de l’autonomie.
  Dans le cadre de cette présentation nous nous focaliserons sur quelques exemples qui soulèvent des questions d’éthique. Nous montrerons de quelle manière la réflexion commune permet de préciser ces questions et d’en penser les enjeux.
   
• 16h-16h45 : Pause / mise en place de la salle modulaire
   
• 16h45-18h15 : Ateliers au choix (maximum 20 participants, précisez votre choix et votre ordre de préférence de 1 à 3, lors de votre demande d’inscription) :
  
  1° L’échographie à la croisée des regards : entre imagerie médicale et imagination parentale ?, atelier animé par Maud BENETREAU (doctorante, Université Paris Est Créteil)
  
  Résumé : Cet atelier est pensé comme une mise en perspective, où les participants, quelle que soit leur formation universitaire et/ou leur expérience de l’échographie, sont invités à mettre en regard plusieurs représentations des images produites par cette technique d’imagerie médicale, qui est largement utilisée pour le suivi de grossesse. Si les futurs parents s’accordent avec les professionnels de santé sur la question de la prévention, l’échographie est aussi pour eux une occasion de voir l’enfant qu’ils attendent avant sa naissance, ou du moins, d’apercevoir certains de ses traits. Sans opposer d’emblée l’imagination parentale à l’imagerie médicale, nous partirons de situations rencontrées sur mon terrain d’enquête et de propos tenus pendant mes entretiens pour interroger ensemble les différentes représentations des images de l’échographie et leur portée affective.
  
  2° Les émotions dans le soin, atelier animé par Brenda BOGAERT (post-doctorante, Université Jean Moulin Lyon 3)
  
  Résumé : Cet atelier vise à réhabiliter les émotions dans le travail de soin. Souvent mises à l'écart, considérées comme non essentielles, irrationnelles, ou même nuisibles, les émotions sont au cœur de la relation soignant-soigné. L’atelier débutera tout d'abord par une présentation des théories de l'émotion (notamment du neuropsychologue Antonio Damasio et de la philosophe Martha Nussbaum), afin de mieux comprendre l’intelligence des émotions et leur rôle essentiel dans la prise de décisions. Le débat portera ensuite sur les résultats d’un projet de recherche sur la relation médecin-patient dans lequel les émotions ont joué un rôle central. Enfin, nous donnerons l'espace et le temps nécessaires pour discuter des expériences individuelles de chaque participant pour mieux comprendre l’impact des émotions dans leur pratique.
  
  3° Tomber dans le produit, rechuter et toucher le fond : que signifie l’image de la chute dans les mots des soignants et des patients en addictologie ?, arpentage animé par Margaux DUBAR (ATER, Université Jean Moulin Lyon 3)
  
  Résumé : Cet atelier est conçu comme un arpentage qui s’adresse à tous les participants, quel que soit leur domaine ou leur sensibilité. Si le vécu de l’addiction nous renvoie à cette vulnérabilité qui fait le fond de notre condition humaine, l’image de la chute révèle aussi les stigmates qui marquent les personnes en situation de dépendance ou précarité : comment l’interpréter ? Nous prendrons d’abord le temps de lire individuellement de courts documents tirés de ma thèse (témoignages anonymisés, extraits de romans, dialogues de films, textes philosophiques, etc.) avant de confronter nos impressions, de comparer nos expériences et d’ouvrir le débat.

Organisation du colloque :

• Pour le projet junior PhilosoField : Maud Benetreau, Brenda Bogaert et Margaux Dubar ;
• Pour la Commission Innovation et Recherche : Adrien Didelot et Julie Boiton.

PhilosoField :
Porté par une équipe de six doctorants - Marion Bérard, Maud Benetreau, Brenda Bogaert, Damien Delorme, Margaux Dubar et Fanny Wiard -, le projet PhilosoField est un programme de recherche de 2 ans (2020-2021) qui vise à constituer une communauté de recherche autour de la question du "terrain" en philosophie. Le projet bénéficie du soutien du Service Général de la Recherche de Lyon 3, de l’IRPhiL, de l’ED de philosophie "Histoire, Création, Représentation" et de la Chaire Valeurs du soin. Outre un séminaire de recherche régulier, sont organisées des manifestations thématiques, ouvertes aux praticiens et acteurs de terrain, dans les lieux où ont émergé ces problématiques. La publication d’un ouvrage collectif intitulé Manifeste pour une philosophie de terrain est en préparation.
► Pour suivre PhilosoField : philosofield@gmail.com ou https://philosofield.hypotheses.org/

Centre Hospitalier Saint Joseph Saint Luc :
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